Traffik Drone - Crossroads (Livre/CD)
Crossroads - Livre/CD 6 titres illustré - 10 euros
Écrire, dessiner et faire du Rock'n'roll c'est pas donné à tout le monde. Surtout en simultané. Pourtant Traffik Drone ne fait rien d'autre. Traffik Drone, ce sont Poup et Franky Sinistra, des noms de scène. Simple duo qui ne fait pas les choses à moitié pour cette aventure à quatre mains.
Faisant suite à "Comme des chiens", construit sur le même principe, voici Crossroads.
Crossroads - Livre/CD 6 titres illustré - 10 euros
Une production POP SISTERS RECORDS
Traffik Drone : Crossroads
L'inhabituel. C'est ce qui est bien avec Traffik Drone. On ne sait vraiment pas par où commencer !
Zic ? écriture ? Illustrations ? …Du pareil au même ! Chez eux, tout fait ventre, pas de priorités, tout est imbriqué. Deux, ils sont, mais avec plusieurs arcs à leur corde. Du talent en triphasé. Et quelques bons copains - Jean-Jean Red Eye Ball, Joël Rodéo Combo ou Phil Gilard sont du nombre - pour épaissir la sauce quand on en vient à la bande-son. Rock rugueux et mélodique, hérité de Mystery Machine ou des Ambulances. Leurs plus anciennes conspirations. Des auto-entrepreneurs, en somme, nos deux loustics. Au sens premier. Libéré du sophisme libéral. Des mecs qui auto-entreprennent sans attendre qu’un peigne-cul surdiplômé récemment propulsé d’une école de commerce vienne leur expliquer comment torcher une bonne histoire, l’illustrer ou la mettre en musique au nom d’on ne sait quelle logique marchande. Leur destin, ils se le fabriquent. Avec panache, virtuosité et ce que ça nécessite d’indépendance pour n’en faire qu’à leur tête. Ce qui reste la meilleure manière d’avancer. À l’ombre conciliante de figures tutélaires, Donald Ray Pollock - chez eux, c’est marotte - Bogart, John Huston ou le King en personne. Vous vous surprendrez même à fredonner ‘Suspicious Mind’. Ne les remerciez pas, c’est cadeau ! De l’art modeste, certes, mais un port de tête noble.
Le coup d’avant, avec Comme Des Chiens, ils nous avaient baladés à travers les USA. Là, nonobstant l’oblique Crossroads, oubliez Robert Johnson et le Mississippi, le diable est arrivé dans la gran’ ville, le viseur bloqué droit sur Manhattan. Et Harlem, sa partie nord. Ce quartier noir inventé par des Hollandais. Mais c’est un semblable défilé de mouisards, de pères crasseux cantinant chez mistoufle. Juste le décor qui change. Harlem, c’est musique, littérature, cinéma et Cie. Du sur mesure. De la légende estropiée que le temps fissure lentement… Ah ça, les images ne font pas défaut. La 110ème rue, le Cotton Club, Dutch Schultz, picole et Bolito. Chester Himes et James Baldwin. Apollo Theater ou bien Minton’s Playhouse. Doo-Wop et Blaxploitation, tout ce bastringue flottant dans la grande lessiveuse des chromos délavés et du faux souvenir siphonné chez autrui… Hey, White Boy, What You’re Doin’ Uptown ? Haletante et charnelle, l’histoire est plus serrée qu’un cafiot Turc. Pain béni pour l’illustration. C’est le rayon à Poup, le tapeur de tambours. Ce gars-là a de l’or dans les doigts. À croire qu’il descend de Nicolas Flamel et des magiciens du moyen-âge. Sauf qu’il n’est pas vénal, alors il fait des dessins. Et des drôlement bien fichus encore. Dans un noir et blanc plus éclatant que l’arc-en-ciel, comme s’il abandonnait la couleur à nos imaginaires. C’est bien simple, il devrait avoir sa statue quelque part, dans une de ces villes moyennes où les gens de sa trempe ont parfois loisir d’être reconnus. Le plus tôt sera le mieux.
Sur l’autre aile, c’est le guitariste qui fait le raconteur d’histoires. Franky Sinistra, qu’il prétend s’appeler. Pseudo brocardeur évoquant plus volontiers le salpêtre du deux-pièces aux peintures écaillées que les casinos mafieux du lac Tahoe. Où, en quelques décennies, le pigeon venu en grand nombre, a supplanté l’ours velu régnant sur le secteur. Sinistra, ça dit les ruelles sombres, les clébards à trois pattes et ces amoncellements d’ordures restant à ramasser. Ne manque que les senteurs malcommodes et le bruit lancinant du robinet qui goutte. Tout ce qui rythme la poisse et le va-de-travers. Avec musique à l’avenant et six morceaux plus croustillants qu’une tartine de pain perdu. Pour faire illustration sonore. De la tronche et du concept !
J’avais biché à lire, regarder et écouter Comme Des Chiens. J’attendais la suite, œil pétillant, bave aux lèvres et kleenex à portée. Je me suis donc jeté dessus. Et vous conseille humblement d’en faire autant. Pure félicité. Une autre manière de proposer du rock’n’roll. Au plaisir des sens, fussent-ils interdits !
Alain Feydri.
Fiche technique
- Artiste
- Traffik Drone
- Label
- Pop Sisters
- Type
- Livre
- Année
- 2020
Références spécifiques